"Une fois les bornes franchies, il n’y a plus de limite"

Rarement le propos du dramaturge François Ponsard, rendu célèbre par Georges Pompidou, ne s’est autant imposé au monde mutualiste qu’en cette rentrée automnale.
Voilà qu’au détour d’un petit article du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016, Marisol Touraine tente de mettre en musique une promesse faite, encore trop hâtivement, par le Président de la République... La complémentaire pour les personnes âgées. Une promesse qui tentait, elle, de répondre aux défauts génétiques de la généralisation des complémentaires santé en entreprise, elle même application d’une autre promesse faite par le même Président aux mêmes mutualistes à l’occasion d’un Congrès précédent.
Citation pour citation, nous serions tentés de proposer à ce gouvernement d’adopter la devise de l’empereur Auguste, « Hâte-toi lentement ! ».
Une telle précaution n’apparait pas seulement utile, mais indispensable face au dernier épisode de la mainmise gouvernementale sur les complémentaires santé. L’affaire était tellement évidente que la présentation de la mesure n’a fait l’objet d’aucune préparation sérieuse au point que ce qui s’imposait, c’est bien le flou pas assez artistique autour du dispositif. Calqué sur l’ACS ? Oui, mais finalement sans limitation d’opérateurs. La procédure de départ était un référencement d’opérateurs, on s’oriente vers une labellisation d’offres avec la qualité des prestations en tête de pont.
Les députés ne s’y sont pas trompés lors de la première audition de Marisol Touraine sur ce texte. Avec des mots choisis, comme il sied dans cette Assemblée, les critiques ont fusé, relayant celles émises par tous les acteurs. Relevons au passage que la Fnim a été, une fois de plus, la première à réagir et à décortiquer un texte qui, sous couvert de renforcer les droits des personnes âgées (noble objectif s’il en est) se révèle dangereux et liberticide.
Dangereux car s’engager sur la voie de la segmentation tue la solidarité de la mutualisation. Et si les tarifs tiennent compte de l’âge, aucun texte n’était venu jusqu’à présent cantonner la santé des seniors dans un cadre contraint. C’est oublier une autre loi, celle des mathématiques des actuaires. Implacable et sans appel, celle-là. A terme, les « bénéficiaires » se trouveront confrontés à des difficultés immenses pour trouver une complémentaire digne de ce nom. Quant à aller sur le terrain de l’antisélection, pourquoi pas ne pas imaginer une complémentaire santé pour les personnes atteintes de cancer en phase terminale ? On se doute bien que les opérateurs vont se battre pour éviter le marché...
Liberticide, car une fois de plus le dogme gouvernemental cherche à nous imposer sa conception du bonheur. C’est oublier qu’une des choses qui distingue l’homme de l’animal, c’est sa capacité à raisonner et à prendre des décisions. Notre baromètre 2015 vient le rappeler : si certains n’ont pas de mutuelle pour des raisons économiques, beaucoup estiment que « c’est un plus, mais qu’on peut s’en passer ». On peut ne pas partager cette vision des choses, mais c’est leur choix et la démocratie impose qu’on le respecte.
Liberticide encore, car si nos activités ressortent du principe de la libre prestation de service, cela a trop souvent l’image d’un doux rêve.

Philippe Mixe
Président

29 juillet 2015