Philippe MIXE

Quand les réseaux sociaux nous éclairent sur notre société

Depuis plusieurs semaines, la presse a mis en lumière l’utilisation que l’on pouvait faire de nos données personnelles et ce, à notre indu le plus total.
Cette affaire, car c’en est devenu une qui a pris une dimension planétaire, intervient alors même que toute l’Europe se prépare à mettre en application le règlement général de protection des données.
C’est d’ailleurs cette mise en oeuvre qui conduit notre fédération à inviter les mutuelles adhérentes à la plus grande prudence. Au mieux, pensons-nous, il conviendrait de désactiver nos pages institutionnelles de ce réseau et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, le risque que certains adhérents utilisent ce biais pour transmettre des données très personnelles est loin d’être nul, comme le soulignait récemment l’Assurance retraite.
Ensuite parce que les mutuelles ne peuvent pas être impliquées, d’une façon comme une autre, à la transmission de quelque donnée que ce soit lorsque ce n’est pas consenti. Or, c’est bien là le mécanisme sur lequel repose le fonctionnement de ce réseau social. Lorsqu’on l’utilise, ce n’est pas seulement nos données personnelles que l’on met en cause, mais également celles de l’ensemble de nos connaissances.
Le risque est loin d’être nul et l’utilisation cachée des données est une réalité, si l’on en croit les déclarations du fondateur de Facebook devant les élus américains.
Ce dossier inspire des réflexions sur notre société et son fonctionnement. Il est d’abord navrant, notamment pour des avocats de la liberté, qu’un outil présenté comme un vecteur de ce principe se révèle sous des dessous bien différents.
Je ne peux m’empêcher de faire un parallèle avec certains aspects de nos activités et ce que nous subissons. Alors que les pouvoirs publics devraient, normalement, être les protecteurs d’une démocratie mutualiste que le législateur a inscrite dans la loi, les décisions prises ne cessent de limiter la portée de cette démocratie. Comme si la démocratie pouvait être réduite…
Une autre réflexion me vient devant l’importance prise par ce réseau social dans tous les aspects de nos sociétés. Nombreux sont ceux qui ne voient pas de possibilité de se passer de ces outils aujourd’hui et demain.
Si cela était, c’est un véritable aveu de dépendance que nous ferions. La soumission à la volonté d’un tiers qui nous dicterait notre conduite, déciderait pour nous de ce qui nous va bien, fixerait des règles, même non écrites… Cela ne vous rappelle-t-il pas quelque chose ?
Les turpitudes de Facebook mises à jour, c’est l’indignation qui traverse nos sociétés. Cela doit nous éclairer sur d’autres sources d’indignation.
Pour ma part, cela me conforte dans la conviction que nos mutuelles, comme nous-mêmes, doivent pouvoir conserver leur libre arbitre, leur autonomie de penser et d’agir. Nos mutuelles comme nous-mêmes ne peuvent pas accepter sans sourciller des règles issues, trop souvent, des cerveaux de brillants technocrates qui n’ont guère de prise avec la réalité.
En disant cela, est-on éloigné de cette affaire Facebook ? Je suis convaincu du contraire.

25 avril 2018