Après l’avis de la Cnil, comment faire du tiers-payant ?

À la suite de l’opposition de certains opticiens à transmettre les données nécessaires à l’effectivité du tiers-payant dans le cadre du panier 100 % santé, la Cnam a saisi la Cnil pour que celle-ci se positionne sur ces transmissions de données.

L’avis de la Cnil du 20 avril dernier ne manque pas d’interroger. En effet, pour ce qui concerne le 100 % santé, le gardien des libertés informatiques considère que la transmission de codes de regroupement « semble suffisante pour permettre aux OCAM de liquider les dépenses de santé ». Cette rédaction jette à elle seule le doute sur l’effectivité de la mesure.
Alors même que les mutuelles sont astreintes à une gestion des risques de plus en plus rigoureuse, cette prise de position risque de les positionner en payeurs « quasi-aveugle ».

Plus grave encore est la position prise sur les opérations de tiers-payant hors panier du 100 % santé. En effet, le raisonnement reposant sur le principe de minimisation des données prévu par le RGPD revient à obliger, dans le cadre actuel, l’adhérent à transmettre lui-même les données nécessaires à l’établissement d’une prise en charge. Cela revient à faire obstacle à toute pratique du tiers-payant, pourtant souhaitée par les pouvoirs publics.

La Cnil ouvre cependant une perspective en souhaitant une « clarification » et une « consolidation » du cadre juridique applicable à la transmission des données de santé à caractère personnel aux organismes complémentaires.
Cette application stricte du RGPD, que le gouvernement aurait dû prévoir, a pour effet de créer des différences de situations entre l’adhérent dont le soin est prévu par le panier 100 % Santé et les autres. La protection des données individuelles de l’adhérent fait donc supporter à celui-ci une grave atteinte à sa liberté de choix, notamment en optique. En effet, ce cadre risque, s’il optait pour le « hors-panier » de l’écarter du tiers-payant et donc de le contraindre à assumer l’avance de frais. Un biais qui pèsera pour beaucoup, compte tenu des difficultés budgétaires de nos concitoyens. Pourtant, cette liberté de choix était posée comme principe par le gouvernement dans la mise en œuvre de sa réforme.

En outre, cela conduit à une situation totalement illisible pour le patient non averti. Comme trop souvent, celui-ci aura tendance à faire porter la responsabilité de cette absence de tiers-payant sur sa complémentaire. Ne pouvant pas apporter le tiers-payant attendu, l’organisme complémentaire devra afficher une dégradation de service rendu dont il n’est pas responsable.

Enfin, si la transmission directe par l’adhérent était la règle, cela occasionnerait très certainement des délais et des coûts supplémentaires alors même que les organismes complémentaires sont régulièrement attaqués sur ce terrain.

Pour Philippe Mixe, président de la Fnim, « il est donc urgent que les pouvoirs publics se saisissent de ce dossier et prennent, en concertation avec les régimes d’assurance maladie de base et complémentaire, les mesures permettant la fluidité des transferts de données indispensable à la bonne réalisation des missions de chacun des acteurs ».